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En Ligurie, aux marges des CINQUE TERRE....

Dernière mise à jour : 17 juin

En Ligurie, tout ne se résume pas aux Cinque Terre ; d'autres lieux voisins présentent aussi beaucoup d'attraits.


L'un d'eux, au charme fou se dévoile, où rôde l'envoûtant souvenir de la Vénus antique.

Avril 2025, savourons...


 


1- Levanto


Limite ouest du Parc des Cinque Terre : le village (5000 habitants) est paisible, en tout cas en saison basse.


Ancien pont sur la Ghiororo
Ancien pont sur la Ghiororo

Pas très avenant depuis la gare, malgré le charmant pont ancien sur la petite rivière Ghiaroro.



Mais l'impression rendue par l'endroit, face à la mer, compense bien celle de l'envers.


Calé dans une petite vallée évasée, adossé aux collines pas encore montagne, avec sa plage de sable clair étirée en arc paresseux sur près d’un kilomètre, le village est manifestement balnéaire.


Levanto sur plage
Levanto sur plage

Tout comme son voisin immédiat à l’est, Monterosso, l’un des villages des Cinque Terre.

peut-être Fossato?
peut-être Fossato?

Vers les hauteurs lointaines d'arrière-pays, un hameau joue les craquantes miniatures, dont le pittoresque ne vaut qu'à distance.


Sur la place centrale rectangulaire, l'ancien ensemble monastique des Clarisses abrite la mairie.

Il va se tenir une cérémonie officielle inconnue, élus en costume et policiers ou militaires sanglés dans leur uniforme.


A proximité, ce qu'on prend d'abord pour un lavoir, est en fait un ancien marché médiéval sous belles arcades, vestige de l'époque florissante où Levanto faisait commerce du sel depuis les salins proches vers la vallée du Pô, où il en venait aussi depuis les salins d'Hyères.


Un très robuste château médiéval crénelé, bien entretenu, point de départ de randonneurs vers Monterosso, assurait sa défense à l'extrémité orientale.

En contrebas, la superbe façade gothique ligure (ou génoise) de l'église Saint André l'Apôtre avec sa rosace de dentelle blanche est la plus belle de celles que nous avons vues.


Ce jour-là, sur l’arc étiré de la longue plage, presque personne en cette basse saison.

Porté par une longue volée de basses arches, le boulevard littoral spacieux longe agréablement la plage.

Là ou passait l'ancienne voie ferrée maintenant déportée à l'arrière.

Le livre banc de Dante
Le livre banc de Dante

Face à la mer grandement inspirante, l’un des bancs publics est à l’effigie de Dante Alighieri, avec une citation lyrique de sa Divine Comédie (« L’Enfer, chant XXIV) :


« Mais, sur la haute mer de toutes parts ouverte, je me lançai avec un seul vaisseau, et ce petit nombre de compagnons qui jamais ne m’abandonnèrent. L’un et l’autre rivage je vis, jusqu’à l’Espagne et jusqu’au Maroc, et l’île de Sardaigne, et les autres que baigne cette mer. Moi et mes compagnons nous étions vieux et appesantis, quand nous arrivâmes à ce détroit resserré où Hercule posa ses bornes, pour avertir l’homme de ne pas aller plus avant : je laissai Séville à ma droite ; de l’autre déjà Septa m’avait laissé. »



Sur une courte langue rocheuse se dresse un étonnant et pittoresques bâtiment auquel on accède par un pont court sur d’autres arches : la Villa Pietra.


Quelques dizaines de mètres plus à l’est, une sombre bâtisse perchée dans la pente domine le boulevard et la mer d'une lourdeur arrogante : la villa Agnelli et son beau parc.

A l’origine la villa Constanza, néo-renaissannce a été achetée en 1926 par le père du « commandatore » Giovanni Agnelli qui fut patron de Fiat et Ferrari.

 

La mer étale et calme ne laisse pas imaginer que Levanto est un spot de surf réputé, quand souffle le vent du sud, ou le mistral (d’autres parlent de tramontane) ou bien encore le sirocco.


Et qu’il a subi comme de nombreux villages de la région (voir Vernazza) les assauts dévastateurs de la tempête d’octobre 2011.



2- La Spezia


A l'opposé du Parc, limite entre Ligurie et Toscane, notre hôtel est dans l’ample ville portuaire de La Spezia, 95 000 habitants.


C'est ici que la flotte militaire italienne est transférée depuis Gênes en 1857. Cavour y fait construire l'arsenal militaire entre 1861 et 1869.


A partir de là se développent les beaux immeubles façades Liberty, déclinaison locale de l’Art Nouveau mâtiné d'Art Déco.

Un style issu de l'Exposition universelle de Turin en 1903, et qui doit son nom au grand magasin londonien d'Arthur Liberty.


La puissance militaire du port est telle que les Allemands le tiennent avec détermination lors de la 2ème guerre mondiale. En avril 1943 il devient donc l'une des cibles privilégiées de bombardement des sites italiens par les Alliés. Si le port est atteint, une grande partie de la ville est aussi détruite par erreur de visée.


Massivement reconstruit, l'essentiel de la ville au sud-ouest développe de larges voies rectilignes qui se croisent à angle droit, au niveau de la mer.


Au pied du plateau-falaise au nord-est, une rue piétonne, la via del Prione, est une partie de ce qu'il reste de la ville historique.

Enserrée entre les hauts immeubles aux façades d’un bel ocre, elle hésite un peu dans son parcours, s’évase d’est en ouest, et se prolonge par la via Fiume vers la petite hauteur de la gare.


Des ruelles latérales courtes partent à l'assaut de la falaise ou s'obstinent à la percer.

Au raccord de ces deux rues s’ouvre la vaste place circulaire Garibaldi où cohabitent sans heurts quelques véhicules et les piétons.

Place Garibaldi
Place Garibaldi

En son centre, une fontaine ronde où ruisselle une sculpture moderne de marbre blanc, forcément de Carrare. Elle veut évoquer les voiles d’un navire, quand d’autres y voient plutôt un énorme coquillage ou un symbole érotique féminin.


La gamme banale des commerces à touristes, un musée à la belle façade néo(?)-vénitienne s’égrènent le long de ces axes piétonniers ; des groupes s’attardent devant les boutiques et les façades, ou se pressent vers la gare ou le port.


Au bout de deux jours, on y reconnaît déjà, matin et soir les habitants qui s’interpellent, promènent Médor, s’affairent, vont au travail ou en reviennent.


Vers le sud-est, sur la Piazzetta Torquato Cavallini, trône un bronze de Wagner, en dandy mûr un brin arrogant. Un hommage qui lui est rendu par la ville où il logea.

Bronze à Wagner
Bronze à Wagner

Il raconte lui-même qu'un voyage mouvementé en mer depuis Gênes lui inspira le prélude en mi bémol majeur de "L’Or du Rhin" (de la Tétralogie de "l’Anneau du Niebelung").


Pour certains, la dramaturgie wagnérienne s’inspire de celle de Dante, à laquelle Wagner encore jeune est initié par beau-papa Listz, notamment avec la lecture en allemand de « l’Enfer ».


Plus loin c’est le port et les pontons des bateaux à touristes, et à l’opposé au nord-ouest, l’inévitable et nécessaire gare ferroviaire.


Au sud-ouest, avec le quadrillage de ses longues et modernes avenues spacieuses, la ville prend un caractère classe, plus international, moins populaire, moins coloré, moins chaleureux.

Sur de larges trottoirs, les boutiques des grandes marques internationales côtoient les banques, les agences immobilières.


Au gré des rues et d'un trop court parcours, quelques belles places, un marché d’architecture moderne au toit en vagues, la Via Chiodo et son alignement de portiques, une galerie sous arches de belle allure en bordure du jardin public qui donne accès aux quais.


Plus au centre, la vaste façade de l'église Santa Maria Asunta alterne ses bandes horizontales de marbre blanc et sombre, mais avec si peu de contraste qu'elle en paraît presque triste. De fait, la serpentinite vert foncé a laissé place ici à un marbre gris pâlichon.

Sur le port, entre d'un côté le chantier naval, l’arsenal et leurs immenses grues au fond du golfe, et de l'autre une marina, se trouve la sortie des bateaux cabotant notamment entre les villages vers Cinque Terre, et qui mouillent ici contre de courts pontons.

A l’un des carrefours des allées du grand parc du bord des quais s'ennuie une curieuse naïade de bronze, hommage à une championne inconnue, palmes et plis de ventre compris. Un cadeau russe à l'Italie en 2015.


La marina, discrètement en retrait de la rive urbaine en paraît moins clinquante, moins arrogante que ses consoeurs de la Côte d'Azur, malgré le beau tonnage des yachts.

Les bateaux à deux ponts dans lesquels s’embarquent les touristes que nous sommes patientent, manoeuvrent pour accoster ; les passerelles d’accès sont installées.


Le pont supérieur, heureux soleil, se remplit, et c'est le départ.

Tranquille allure, la côte défile.


3- Deux villages où flotte le souvenir de la Vénus antique


En panorama continu, après la marina, voici un petit port militaire et ses vaisseaux gris à radômes, tapis derrière une jetée.

Puis, au ras de la rive, un village qui a le charme d’une carte postale, Fezzano, avec ses maisons-tours sagement rangées sur la berge.


Première anecdote vénusienne :


Ici, ou à Porto Venere, mais plus probablement à Gênes naît en 1453 dans la famille Cattaneo une fille prénommée Simonetta. Son père Gaspard est parent du doge de Gênes et possède une résidence à Fezzano.


Très belle, Simonetta épouse à 16 ans Marco Vespucci, cousin du fameux Amerigo, dont le prénom seul restera à la postérité au détriment du non moins fameux Christophe..., de Gênes.


Si belle qu’elle devient le modèle de la beauté féminine pour les grands peintres de la Renaissance.

Au point que son amant, Laurent le Magnifique, commande à Botticelli  la « Naissance de Vénus ». Tableau pour lequel Simonetta posera probablement ; elle aurait donc été cette Vénus-là.



Fulgurante vie de beauté et de richesse, elle meurt à 23 ans en 1476, tubarde.


Botticelli qui en aurait été platoniquement amoureux n’achèvera le tableau qu’en 1485, sept ans avant que ne soient découvertes les Amériques.

 

Quelques minutes encore, c’est Porte Venere, à l’entrée sud du « Golfe des Poètes » face à un archipel dont la plus grande île est Palmaria.


Le Golfe doit son nom à un dramatuge italien, Bonelli qui le lui donne en 1919.

Car il faut nommer les régions célèbres, comme par exemple en 1887, Stephen Liégeard a appelé "Côte d'Azur" la portion cisalpine de la rive méditerrannéene à l'ouest de la Ligurie.


Le Golfe des Poètes n’est autre que celui de La Spezia, protecteur et défensif. On l'appelait aussi "Golfe de Vénus".

Son légendaire attrait a notamment inspiré les grands auteurs romantiques, tous passionnés des plus beaux sites italiens.



Face à Porto Venere, sur un îlot rocheux à l'extrémité est de l'île de Palmaria, la Tour Scola, robuste pentagone construit en 1606 par la République de Gênes , guette les passages à l'entrée du Golfe.

Elle a été le témoin de l'affrontement entre les marines française (Napoléon) et italienne en janvier 1800.


Parmi les poètes et les artistes séduits par le Golfe, Lord Byron (1788-1824), Mary Shelley (1797-1851) celle de "Frankenstein", et son mari P.B. Shelley ; ce dernier y périt lors d’une forte tempête en 1822 à bord de sa goélette Ariel.

On y a vu aussi Wagner (1813-1883).

Mais aussi George Sand (1804-1876) et Alfred de Musset (1810-1857), puis D.H. Lawrence (1885-1930),  Montale (1896-1981), D’Annunzio (1863-1938)...


Et beaucoup plus tôt Pétrarque (1304-1374).

Dante Alighieri (1265-1321), le monumental universel, cite aussi la beauté de la côte entre Lerici et Turba dans le « Purgatoire » de sa « Divine Comédie ».


Les sites grandioses forgent les légendes.


Ainsi Byron aurait accompli l’exploit de traverser le Golfe à la nage pour rejoindre le couple Shelley près de Lerici, à partir d'une grotte marine qui porte son nom à Porto Venere.

Faux selon les historiens, mais l’exploit supposé reste en tout cas célébré par la « Coupe Byron », une épreuve de natation annuelle de 8800 mètres entre les deux villages, tenue habituellement le 3 juillet.


Porto Venere doit sa riche et longue histoire, avant que La Spezia ne prenne le dessus dès le 19ème, à sa situation maritime privilégiée à l’entrée du golfe.

Du 13ème jusqu'au 17ème siècle, Porto Venere est d'ailleurs un repaire prisé par les pirates et les corsaires en leur temps.



Deuxième anecdote vénusienne :


Déjà en 1338, Pétrarque dit de Porto Venere :

« À ceux qui viennent de la mer, le port de Vénus apparaît sur le rivage, et ici, dans les collines qui recouvrent l’olivier, on dit que même Minerve a oublié Athènes, sa patrie, pour tant de douceur... »


Aujourd'hui, sur le promontoire rocheux à l'extrémité sud-ouest s'élance vers le large, précisément là où se tenait un temple à Vénus à l'époque antique, l'église San Pietro, gothique ligure, superbe vigie vers le large, flanquée d'un robuste bastion.



Les Anciens savaient choisir les sites remarquables pour y ériger leurs monuments.

Ici, comme ailleurs dans la Mare Nostrum, de l'écume de la mer est née Vénus dans la mythologie.

Et de son nom proviendrait celui de Porto Venere.

Et non par exemple du verbe vénérer, qui a pourtant la même racine.


En tout cas laissons-nous ici aller à vénérer la beauté.


Condensé de pittoresque, Porto Venere est dominé par le château Doria (12ème siècle et suivants), un pentagone irrégulier ceint de bastions .

Le château Doria à Porto Venere
Le château Doria à Porto Venere

Par d'irrégulières marches à travers les ruelles montantes, voici d'abord l'église San Lorenzo et sa monumentale façade, que jouxte le jardin de religieuses affairées.


Puis un plateau herbeux au pied du château, au-dessus du superbe dôme de l’église, enfin, dernier coup de rein, une autre terrasse et son chemin en pergola.


De hautes voûtes de pierres forment une vaste salle hypostyle, celle du château lui-même, qui donne à l’extérieur sur un amphithéâtre façon néo-antique.

Lors de notre passage, deux techniciens contrôlent les jauges fixées sur quelques parois, qui mesurent les éventuels mouvements du site.


Gravissons encore quelques marches et voici au sommet le solide chemin de ronde.

Superbes panoramas à plus de 180° sur le golfe et la mer à l’ouest.


Aussi original et moins encombré que les villages des Cinque Terre, l’habitat épouse le profil du promontoire dont la seule et raisonnable hauteur est le château.


Le long de la rive empierrée face à l’est, une enfilade de maisons-tours au contigu fantasque forme une superbe perspectives aux douces tonalités pastel d’un très bel effet.


Façades à Poro Venere
Façades à Poro Venere

Alors qu’à l’origine, bien avant celles des Cinque Terre, leur couleur était uniformément rose, celle d’un revêtement à base de brique pilée étanche à l’eau.


Dans la ville, depuis une imposante porte médiévale au nord, une seule et étroite ruelle principale suit la pente vers l’ouest, colonne vertébrale du village, et de son centre historique.


Pendant que dans la baie bien abritée s’arabesquent des wingfoils et quelques embarcations.


Quand à l’ouest la mer puissante clapote aujourd'hui contre la falaise mais se prend parfois de fureurs océanes contre la caverne de Byron.




Sous le charme apaisant du site et de ses envoûtants panoramas, de la douce quiétude qu’enveloppe le soleil d’avril, la certitude nous vient qu’on préfère ce lieu au pittoresque forc(en)é de ses voisins des Cinque Terre.






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